270 poèmes soumis...

La revue Salamandre et le festival suisse Printemps de la poésie ont mis au défi les talents poétiques. Les participant.e.s ont été invité.e.s à créer un poème adoptant le point de vue d’un animal sauvage du continent européen, à lui donner une voix, à révéler ses sensations et émotions ou encore à inventer un dialogue. Le tout dans un texte tenant sur une page A4, dans une forme poétique libre (vers, versets, prose). Le jury était composé de membres de la rédaction de la revue, d’auteurs et de spécialistes en écopoétique.

270 poèmes ont été composés à cette occasion. Un premier tour a distingué 27 poèmes, puis le jury a désigné, après délibération, deux lauréats ex-aequo. 

27 poèmes retenus au premier tour

Un calendrier d’êtres presque invisibles (séquence de haïku moderne) : Eduard Tara
Mûe : Nils Lisnić
Le corbak : Erwann Dagan 
Sans titre : Sophie Penseyres
Détruire ce qui te ronge : Morgane Chêne 
Sans titre : Germain Meniere
Le voyage du papillon : Nathalie Gimond
Martinet (apus apus) : Karen Dutrech
Le martinet noir : Dominique Poupard-Budak 
Penser en oiseau – le martinet : Isabelle Soraru
La brise du clair de lune : Marie Geneix
Sans titre : Christine Gambert 
Grand-Duc : Juliett Garrigue 
Le loup : Valérie Secco 
Le grand hamster d’Alsace : Félicie Huc 
Rêve d’une pieuvre : Elïa Seroquel
La nuit : Dominique Patras
Un coeur d’aile : Nathalie Labrose
Anima : Enzo Séchaud 
19h24 : Numa Francillon 
Le Ver : Aurélie Coulon 
Neomys Anomalus : Amandine Polet 
S’agréger : Nam Pham 
Les rameaux du rhinocéros : Frédéric Schneeberger 
À l’affût : Sami Kali 
Loup y es-tu? : Isabelle Audiger
Surprise printanière : Evelyne Leemann
 
 

Deux poèmes lauréats

Anima, d'Enzo Séchaud

arpentraces ombuées, crissilence
hésitance dissoute pas-crissé
dans le pas-guide j’ai sur le dos
le fil d’une ombre en troisième place
crue-grise me suit le balancier
de la queue devant le bal ancien
de la nuit-meute les humeurs froides
indicielles de la neigenuit
j’ai les étoiles sur la peau
des glyphes de sens
senteurs des sentes
affûtent la forêt, son tracé
versylphes, ventrombre
le fils du nombre
le corps qui groupe
soliternelle de l’âpre-cri
écho hurlant de la vallée
pour se trouver

Flambeaux – la trace , la traque la
Peur des crocs et la
Certitude de notre
Domination
Ce que nous chassons c’est notre
Fascination
C’est elle certainement que nous avons
Tuée avec les balles
De nos fusils et que nous
Dépeçons
Avec les armes
De la Raison.

le col s’approche nous empruntons
la traçombre la plus directe
pour atteindre les hauteurs
odeur de l’homme
traqueur traceur
aux jambes molles
dresseur de frères
tueur de pères
violeur de mères
qu’on te pardonne
tu ne connais
de la forêt
que les faux-noms
que tu lui donnes

Nous les voyons,
Innaprochables,
Une dizaine de silhouettes sur la crête
Disparaissantes sur le versant opposé
Une famille, comme les nôtres
Des sangs filants, comme les nôtres
Et des ancêtres, qui sont les nôtres
Nous entendons

une seule voix
Nous y joignons
le chanterreur
Les cordes animales de nos gorges
le hurlechoeur
C’est une étrange
reconnaissance
Conversion
en terregivre
Le goût de vivre
un héritage
La soif de l’air
que l’on partage
Vois dans l’Oeil
unique de la Lune
Ce qui nous tient
en corps vivants
En corps de meute
quand nous sonnons les

tambour d’Emeute

Le Grand Hamster d'Alsace, de Félicie Huc

Il faut inspirer, pas que par le nez,

Ressentir, tout le long de son rire

Et faire chantonner de lumière nos plus belles toisons.

Il est arrivé, le temps des éclosions.

Les prairies s’ébrouent,
Jusqu’en dessous

Jusqu’à venir me chatouiller dans mon antre.

Du Corbeau, j’ai le noir qui me couvre le ventre,

Du Renard, le roux profond qui me fait bon dos,

Du Blaireau les tâches lactées de mon museau.

Avec eux, je partage mes couleurs,

Comme eux, j’ai connu la persécution des Hauts-Mangeurs.

Je m’étire, me tire en dehors,
Sous la couverture des tubuliflores.


Des herbacées je n’ai pas les teintes, seulement le goût des graines,
Mais nous connaissons tous deux, des Hauts-Mangeurs, la Haine
Avec leurs montagnes en marche,

Vrombissantes, tranchantes, ronflantes ; source de ravages,

Ils viennent, nous chassent, mais nous n’avons pas d’arche.

Des hamsters je suis le plus massif, le fier sauvage,

On m’a donné pour titre le Grand,

Mais l’Histoire ne me retiendra pas comme Alexandre.

Bien sûr, aucune rancœur n’imprime ma chair,

Je suis un rongeur, ma vie est un battement de cils,

Voir le lendemain est mon seul souci,

Je ne garde emmêlées dans ma fourrure, que des tresses de lumière…

Il faut inspirer, aussi petits que soient nos poumons,
Ressentir, jusqu’au frémissement du bourgeon.

Le jury

Romain Bionda, maître-assistant en littérature comparée à l’Université de Lausanne, spécialiste en écopoétique

Laetitia Dumoulin, enseignante au Gymnase de la Cité engagée en faveur de la cause animale

Benoît Frund, vice-recteur pour la transition écologique et le campus de l’Université de Lausanne 

Nathan Horrenberger, lobbyiste pour le vivant (Politiques de la biodiversité), jeune expert UICN droit et politiques environnementales, ancien rédacteur pour la revue Salamandre

Sofia Matos, rédactrice de la revue Salamandre

Colin Pahlisch, coordinateur de l’Observatoire des Récits et Imaginaires de l’Anthropocène (ORIA) et chargé de projet au Centre de compétences en durabilité (CCD-UNIL)

Nicolas Steffen, poète 

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